01/05/2017

Croire en la résurrection



Nous avons souvent une conception de la foi, spécialement de la foi en la résurrection, qui interdit à toute personne sensée de s’y livrer. Et ce ne sont pas seulement les adolescents qui regimbent, mais déjà les enfants. Si, dit-on, nombre de chrétiens ne croient pas en la résurrection, c’est peut-être que ce qu’ils imaginent être la résurrection n’est pas possible, effectivement. Mais est-ce pour autant ce que croit l’Eglise ?
Avec le dernier chapitre de chaque évangile, ce que l’on appelle les récits d’apparition du Ressuscité, nous n’avons pas affaire à un reportage, une description, reconstitution quasi-judiciaire, établissement des faits, incontestables, objectifs. Les apparitions du Ressuscité sont des professions de foi. Elles mettent en scène le passage à la foi ; il y a plusieurs rencontres qui ratent et qu’il faut recommencer pour qu’enfin, à la scène ultime, les disciples croient.
De surcroît, les textes adoptent eux-mêmes la stratégie qui interdit qu’on les prenne au premier degré, comme un reportage. Ils organisent consciemment des contradictions. Ainsi, Jésus entre dans les maisons portes et fenêtres verrouillées ‑ son corps n’est pas arrêté par les parois ‑ puis il mange du pain ou du poisson – son corps est celui d’un vivant. Marie et les disciples ne le reconnaissent pas alors qu’ils ont été ses intimes ; puis leurs yeux s’ouvrent, la peur les quitte, ils le reconnaissent et aussitôt il disparaît à leurs yeux ou ne peuvent le retenir.
C’est qu’il faut dire que la rencontre avec le Ressuscité est rencontre précisément, et non information, reportage, que l’on pourrait connaître autrement qu’en s’y livrant, en s’y engageant. Il faut dire que la rencontre avec le Ressuscité est confession de foi et nullement illusion : il mange, il parle, on le voit. Il faut dire que dans la rencontre le Ressuscité s’offre à reconnaître, c’est bien lui, mais il n’est plus pareil, il ne vit plus pareillement, il en est méconnaissable. Il faut dire que le corps du Ressuscité n’est pas le cadavre réanimé de Jésus, mais le corps des disciples, son corps de disciples, qui est détruit et dispersé par sa mort et reprend vie par son Esprit. L’Esprit fait éclater les limites physiques, les peurs et les barricades, les frontières linguistiques et la douleur de la séparation (nous ne verrons plus).
Les disciples avec lenteur reviennent de l’abattement où les a laissés l’exécution de Jésus. Les récits évangéliques montrent la communauté qui se reforme ; tant qu’il manque un disciple, Thomas, l’annonce n’aboutit pas. Ensemble, ils reviennent à la vie. La résurrection de Jésus n’est pas décrite en elle-même mais en ses effets, elle est notre résurrection, la vie dont ici et maintenant nous vivons, pour annoncer à tous les hommes que la fraternité humaine n’est pas un rêve vain et généreux mais ce pour quoi le Christ est mort.
Croire n’est pas croire n’importe quoi sous prétexte que justement ce n’est pas raisonnable, ce n’est pas prouvable. Croire, c’est être engagé comme témoin du Vivant qui fait vivre. Croire, c’est la critique de tout surnaturel à juste titre incroyable, pour se livrer ici et maintenant, au nom du Vivant, au service de tous « pour qu’ils aient la vie, en abondance ».

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