03/02/2017

Messie crucifié et divisions ecclésiales (5ème dimanche du temps)



La première lettre au Corinthiens est l’un des plus anciens textes chrétiens, écrit vers 55, une vingtaine d’années après la mort de Jésus. Sans doute composé de plusieurs missives, tous les spécialistes en reconnaissent à Paul la paternité.
La communauté de Corinthe est divisée. Que notre Eglise est compliquée ! A peine quelques dizaines de personnes ‑ allez, disons, deux ou trois cents ‑ et déjà des divisions : ceux qui se revendiquent de tel fondateur contre tel autre, de telle spiritualité contre telle autre. Paul, sans doute depuis Ephèse, écrit donc pour inviter à l’unité. Cela donne lieu à un développement sur l’amour et sur l’Eglise ; nous connaissons tous, par exemple, le fameux hymne à la charité, j’aurais beau parler toutes les langues du ciel et de la terre, s’il me manque l’amour, je ne suis rien. L’amour ne passera jamais. Nous connaissons la comparaison avec le corps, composé de plusieurs membres, tous utiles, de sorte qu’aucun ne peut penser devoir se séparer de l’un quelconque des autres membres.
Nos divisions, hier comme aujourd’hui, sont grotesques. Certes, on a le droit de n’être pas toujours d’accord, certes, certaines différences sont difficilement conciliables. Est-ce une raison pour que se mettre sur la figure, se traiter de tous les noms, excommunier comme hérétiques ? N’avons-nous pas l’amour du Christ en partage et comme mission ?
Cette semaine, la conférence des évêques allemands publie son interprétation de l’exhortation apostolique post-synodale sur La joie de l’amour et reconnaît la légitimité d’une démarche d’accueil à la table eucharistique des divorcés remariés. Déjà les évêques brésiliens s’étaient engagés en ce sens et le Pape leur avait écrit pour dire que leur interprétation de son texte était nécessaire. Le même jour, selon un autre allemand, préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, on ne peut dire que la dite exhortation apostolique rend possible la communion pour les divorcés remariés puisque c’est formellement contraire à la foi, telle qu’exprimée par exemple par Jean-Paul II.
Cette semaine encore, on apprend que Rome et les intégristes de Mgr Lefebvre sont sur le point de signer un accord d’unité. Il va de soi que la Fraternité Saint Pie X est en réel opposition avec des points décisifs de l’enseignement de Vatican II et des papes successifs. Plusieurs fois, elle a mis en doute l’orthodoxie de François ; l’accusation est grave.
Mais le Christ n’est-il pas notre paix, notre unité, notre communion ? Oui, c’est compliqué de manger à la même table que celui qui représente tout ce que nous ne voulons pas être. Mais non seulement, c’est un frère, plus encore, il prie le même Seigneur que nous…
Plutôt que de se mettre autour d’une table et de discuter à perte de vue pour tenter de se mettre d’accord sur le fond, plutôt que de tailler dans le vif et d’exclure certains, plutôt que de chercher à convaincre l’autre à ses propres thèses, une seule solution selon Paul (1 Co 2, 1-5) dénoncer la vanité de ces querelles, aussi importantes qu’elles nous paraissent, et sans doute à juste titre. « Mon langage, ma proclamation de l’Évangile, n’avaient rien d’un langage de sagesse qui veut convaincre. »
Dans les conflits, comment Jésus a-t-il fait ? « Parmi vous, je n’ai rien voulu connaître d’autre que Jésus Christ, ce Messie crucifié. » Il n’y a pas d’autres solutions pour l’unité dans la charité que le chemin du serviteur, du renoncement, non que l’on renonce à ce que l’on pense juste, mais que c’est en le considérant moins important que l’unité que l’on témoigne de la vérité de ce que l’on pense. Il est des manières d’avoir raison qui donnent tord, il est des manières de ravaler ce qui nous est le plus cher qui donnent raison. Nous le savons en famille, dans le couple, ou entre amis.
Non, on ne peut être d’accord avec les intégristes ; leur conception de la foi et de la société est inacceptable, contraire à l’évangile sur certains points, c’est sûr. Mais n’avons-nous pas le même Seigneur qui fait de l’amour du prochain un commandement semblable à celui de l’amour de Dieu ? L’unité ne se fait pas dans l’uniformité (pas une oreille qui dépasse) mais dans la communion, c’est-à-dire dans l’amour jusqu’à celui des ennemis. Alors si ce sont des frères… Mais si la communion est possible avec les intégristes, alors, elle le sera aussi avec les Protestants et les Orthodoxes qui, avec nous, y consentirons.
Non, on ne peut être d’accord avec la théologie de la sexualité et du mariage non seulement du Cardinal Müller mais de Jean-Paul II lorsqu’elle est contraire au commandement du Seigneur de prendre soin des membres les plus faibles et de leur conférer plus d’honneur qu’à ceux qui n’en ont pas besoin, à supposer que justement, on pense les divorcés remariés, les transsexuels et homosexuels comme des membres qui manqueraient à la dignité de la vie sexuée et familiale.
Notre foi ne repose pas sur notre sagesse, mais sur la puissance de Dieu. Elle ne peut qu’être signe de contradiction, ainsi que Siméon le dit de Jésus. Le signe de contradiction n’est pas pour ceux qui sont hors de la maison, hors de la communion, mais pour nous, dans la communion ecclésiale même.

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